Bras de Vénus

Depuis longtemps, je lis le Vif Weekend et il y a une rubrique qui me plaît particulièrement : celle de Juliette Nothomb, soeur de l'auteur très connue. Je l'adore car elle nous livre chaque semaine des "recettes et réflexions culinaires épicées et pleine d'humour". Il faut croire que dans la famille, les deux soeurs ont toutes les deux une bonne plume... 

Voici sa chronique de la semaine passée : Gitan ou Vénus ?

"Il existe un gâteau exquis qui, selon les convictions, porte le douteux autant que glauque nom de "bras de gitan" ou la charmante appellation "bras de vénus". Je ne sais pas vous, mais moi je préfère nettement la deuxième version, la première étant un peu trop gore à mon goût, et pas vraiment ragoûtante. Par ailleurs, le bras de Vénus résout en même temps une énigme épineuse de l'histoire de l'art, à savoir, où donc sont passés les bras de la Vénus de Milo ? Ben, on en a fait des gâteaux, pardi ! Et quel gâteau ! Une génoise moelleuse aux oeufs fouettés en mousse légère, roulée sur une couche de bonne confiture. C'est tout simple mais quand c'est bien réussi, c'est un régal. Souvent, le gâteau roulé déçoit parce que sa pâte évoque davantage le béton armé que la couette de plumes ; aussi doit-on battre longuement les oeufs et, surtout, avoir la main légère en farine, ce que ne stipulent pas nombre de recettes. Sans modestie (ce n'est pas mon genre), je vous annonce que j'ai mis au point, à force d'essais répétés, des proportions qui correspondent à peu près au nombre d'or de Léonard de Vinci (pas moins!) pour obtenir un gâteau roulé extrêmement moelleux. Cerise sur le gâteau pour ceux qui essaient d'alléger la note calorique en pâtisserie ou fuient le cholestérol, ou encore veulent un vrai dessert, mais qui soit digeste car pauvre en matière grasse, ma version ne comporte pas de beurre (ce qui n'est pas toujours le cas dans d'autres recettes) - ce n'est pas que je renie cet ingrédient divin, vous me connaissez, mais dans le cas présent je trouve qu'il alourdit la génoise. Cela étant, si au lieu de la confiture - dont, avantage gourmand, vous choisissez vous-même le parfum en le confectionnant - vous garnissez votre "bras" de crème au beurre, ou de crème au chocolat, ou encore si vous le saucez de sirop à la liqueur avant d'étaler la garniture, c'est une autre histoire et je me dégage de ma responsabilité !"

Sa recette perso :

"Revêtez une plaque 38 x 28 cm de papier cuisson beurré. Préchauffez le fout à 180°C, th. 4-5. Portez à frémissement une grande casserole d'eau. Dans une jatte supportant la chaleur, fouettez 3 oeufs et 90g de sucre semoule. Posez la jatte dans l'eau frémissante et battez au fouet électrique (inutile de vous crevez à fouettez à la main!) pendant 60 secondes, puis retirez la jatte du bain-marie, fouettez encore pendant 5 minutes chrono. Incorporez délicatement à la spatule 45g de farine fluide tamisée, en veillant à l'incorporer parfaitement. Etalez la mousse en couche régulière sur la plaque et enfournez pour 5 à 10 min. jusqu'à blondeur. Badigeonnez la pâte d'une fine couche de confiture et roulez, tout en décollant peu à peu le biscuit de son papier à l'aide d'une spatule, tant que c'est chaud, sinon la pâte casse (mais ce n'est pas trop grave, pas de panique). Tranchez les bords afin qu'ils soient nets et dégustez les entames, vous le méritez ! Si vous le garnissez de crème au beurre, roulez le gâteau à chaud, attendez qu'il refroidisse, déroulez et étalez la crème. Enfin, si vous avez choisi une confiture rouge et aimez les films de vampires, rien ne vous empêche de baptiser quand même votre chef-d'oeuvre "bras de gitan" : ce n'est pas moi qui vous jetterai la pierre - enfin, le gâteau..."